- CINÉMA DIRECT
- CINÉMA DIRECTCINÉMA DIRECTTout type de cinématographie qui entend utiliser la caméra (et le magnétophone) comme moyen d’enregistrement purement mécanique, immédiat, direct, des faits et des choses appartient, en principe, au «cinéma direct». L’idée, liée au caractère automatique de la reproduction des images et des sons par le cinéma, n’est pas nouvelle. Sans remonter jusqu’à Lumière — s’il eut un succès aussi rapide, c’est que le cinématographe montrait «la nature même, prise sur le fait» —, on peut voir dans le cinéaste soviétique Dziga Vertov (1896-1954) le premier grand défenseur du cinéma direct. Refusant pour le cinéma toute forme de dramaturgie, il se posait en adversaire déclaré du «cinéma d’art», en préconisant de montrer «la vie à l’improviste», la vie telle qu’elle est.Bien sûr, pas plus dans un film de Vertov que dans n’importe quel autre du «cinéma direct», cette prétention à refléter les choses telles qu’elles sont n’est entièrement fondée: le fait même de filmer constitue déjà une intervention, une manipulation, et au minimum une série de choix dans le matériau à filmer. Aussi l’épithète de «cinéma direct» ne recouvre-t-elle pas tant, finalement, une catégorie de films (grosso modo: le documentaire), qu’une école cinématographique, en tant que telle, historiquement datée et déterminée.L’apparition et le développement du direct ont d’abord été le fait d’un ensemble de progrès de la technique à la fin des années cinquante: perfectionnement du format 16 millimètres (lié à l’extension de son marché: cinéma amateur, télévision); fabrication de pellicules plus sensibles; allégement des caméras, qui deviennent portables; enfin et surtout, invention de procédés de tournage en son synchrone. L’apparition d’instruments aussi parfaits dans leur genre que la caméra Coutant ou le magnétophone Nagra déclencha, vers 1960, une floraison de films réalisés en direct. Il faut citer, en France, le «cinéma-vérité» (traduction approximative du kino-pravda vertovien), lancé en 1960 par Chronique d’un été de Jean Rouch et Edgar Morin, où la caméra se faisait instrument d’enquête en interrogeant et en suivant dans leur vie une dizaine d’hommes et de femmes. Dans la même ligne s’inscrivirent des films comme Les Inconnus de la terre (1962) et Regards sur la folie (1962) de Mario Ruspoli, Le Joli Mai de Chris Marker (1963), et même des films de fiction qui utilisaient les techniques du direct, comme Adieu Philippine de Jacques Rozier (1962) ou Le Chemin de la mauvaise route de Jean Herman (1962).Aux États-Unis, le direct est surtout représenté par Richard Leacock et ses coéquipiers (D. A. Pennebaker, Albert Maysles) qui réalisèrent ensemble pour la télévision une série de documentaires dont les plus marquants sont Primary (1960), Kenya , Eddie Sachs at Indianapolis (1961), avant de se disperser et de travailler chacun pour son compte. Au Canada enfin, grâce à la politique de l’Office national du film, toute une pléiade de jeunes cinéastes se lancèrent dans la réalisation de films en direct: Pierre Perrault (Pour la suite du monde , 1963; Le Règne du jour , 1965), Arthur Lamothe (Les Bûcherons de la Manouane , 1963), Gilles Groulx (Le Chat dans le sac , 1964).La généralisation du tournage en son synchrone dans les films de fiction, la multiplication des films tournés en 16 millimètres, l’intégration au cinéma «classique» des techniques du direct, rendent désormais de moins en moins nette la ligne de démarcation entre direct et non-direct. C’est peut-être là, d’ailleurs, la véritable «révolution du direct».
Encyclopédie Universelle. 2012.